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d'ordinaire, dans un pays occidental, européen, américain, quel qu'il soit, on fait l'experience de notre propre intimité, de notre conscience de nous-même, qui englobe tout le reste, et recouvre notre environnement, filtre, au travers lequel nous lisons le monde.
au loin, nous distinguons, par les divers témoignages journalistiques, l'histoire de la planète, les rapports de force géopolitiques, les guerres, les combats physiques, sans que jamais nous ne soyons impliqués dans ces vertigineux enjeux, ou alors indirectement, de par nos actions politiques, ou éthiques, qui modifient subtilement l'équilibre de l'univers, ou du moins nous le supposons.
ici, le monde est visible. il est garé au coin d'une rue. il patrouille. il interpelle. il se montre. se révèle.
dans laquelle de ces deux situations mon sentiment d'impuissance est-il le plus cuisant ? je l'ignore.
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un pays comme un enfant, que ses tuteurs doivent protéger de lui-même,
de peur qu'il ne se détruise.
du bleu rassurant, comme les habits des nouveaux nés,
la couleur du calme, sérénité diplomatique,
apaisement militaire, un fusil dans le champ.
tout peut toujours basculer, à tout moment,
comme si la civilisation ne tenait qu'à une seule couleur.
autour, l'ombre.
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il est très difficile de prendre des photos ici.
on peut même dire que c'est interdit, officieusement.
les rues sont striées de militaires. et même si un billet tout frais leur fait fermer les yeux, mieux vaut ne pas s'aventurer dans ce type de relation, pur racket d'état organisé.
il est très difficile de prendre des photos ici.
et je trouve ça intéressant.
un peu comme autrefois, l'image que l'occidental se faisait du bon sauvage, africain ou autre, effrayé par un appareil photo dont il craignait qu'il lui vole son âme.
le principe est presque le même, l'argent en plus, parce qu'il est assez difficile de savoir ce que craignent réellement les autorités. montrer une réalité que tout le monde connait ? pourtant on ne nous ôte pas nos appareils photo à la frontière.
alors quoi ?
j'aime à penser que ce reflex est un mélange subtil entre le désir de pouvoir ("vous êtes chez moi") et la trace coloniale ancestrale que l'occidental possède une science et une pensée qui restera à jamais loin du peuple africain, comme si d'une simple photo, d'un cadrage spécial, nous étions capables de révéler quelque chose d'invisible à leurs yeux.
tant qu'on ne nous laissera pas prendre librement des photos en Afrique, son peuple ne sera pas libéré de notre emprise.
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c'est sur le continent africain que se dresse le point culminant du relativisme occidental.
mais malgré tout, plus je reste ici, et plus je commence à déceler toutes les similitudes entre l'apparente organisation de nos sociétés et l'anarchie la plus totale qui règne dans ce pays.
il est fort probable que la différence majeure ne réside pas dans les systèmes politiques, ou l'organisation des communautés, mais dans la franchise qui préside à leur application.
ici, les mêmes horreurs sont perpétrées par les mêmes gouvernants, à la différence près qu'elles le sont au grand jour. les explosions de colère sont ainsi plus fréquentes, et la repression plus violente.
mais pour schématiser, le principe reste le même.
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bien
il sera bientôt temps de partir
trop difficile de trouver des connexions par ici
et de plus
le pays est définitivement trop
chargé de passé
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je viens d'avoir l'idée d'un film que je me suis empressé d'écrire mais je ne vais pas nécessairement réaliser.
en revanche, je vais proposer le concept sur des forums de vidéo numérique, afin que chacun puisse se l'approprier.
s'il était amené à être réalisé, il devra être présenté comme s'appelant :
"LA POSSIBILITE POUR QUE NAISSE LE DIALOGUE" (support variable - durée variable)
éventuellement, on pourra aussi annoncer qu'il est précédé d'un avertissement, défilant en écriture blanche sur fond noir.
voici cet avertissement :
AVERTISSEMENT A tout moment, au cours de cette projection, vous pourrez demander l’interruption de ce film afin d’émettre une remarque, ou exposer une idée aux spectateurs présents. Bien entendu, cela ne se produira probablement pas car nous avons pris l’habitude du message vertical et ce que nous appelons « respect » est en réalité l’acceptation peureuse de la soumission. A tout moment, au cours de cette projection, vous pourrez demander l’interruption de ce film afin d’émettre une remarque, ou exposer une idée aux spectateurs présents. Dites « STOP » à haute voix, ou bien commencez tout simplement à parler. Le projectionniste a reçu des consignes et il arrêtera la projection. A ce moment, il est aussi possible que l’intervention qui aura lieu éveille chez les autres spectateurs le désir, le besoin, d’intervenir à leur tour. Cette éventualité est possible, et il pourra alors s’en suivre un dialogue entre un nombre indéfini de spectateurs. Cette éventualité est possible mais elle est peu probable car nous avons la sensation que le développement intégral d’une idée ainsi que sa compréhension sont les conditions sine qua non et préalables à l’émission d’un jugement. C’est faux. Et c’est pourquoi à tout moment, au cours de cette projection, vous pourrez demander l’interruption de ce film afin d’émettre une remarque, ou exposer une idée aux spectateurs présents. De plus, dans l’éventualité où un spectateur prendrait la parole il serait possible de l’interrompre lui-aussi à condition d’avoir quelque chose à dire. Et ainsi de suite… Bien entendu, un spectateur ayant déjà pris la parole pourra interrompre un autre spectateur et ce même si le film n’a pas repris. La durée de ce film est donc variable et c’est pour cette raison qu’elle n’a pas été annoncée. Nous parions ici sur le dialogue public et sur l’espoir que l’attirail audiovisuel n’a pas encore parfaitement détruit la capacité de l’Homme à réagir, à parler, à exister. Nous conservons cet espoir car pendant la seule rédaction de ce texte d’avertissement, assis dans un bar, nous avons été interrompus à huit reprises. Huit reprises c’est bien mais ça n’est pas assez et de plus, nous n’étions alors pas dans une salle de projection qui force, par le noir, à se taire. C’est pourquoi à tout moment, au cours de cette projection, vous pourrez demander l’interruption de ce film afin d’émettre une remarque, ou exposer une idée aux spectateurs présents. Mais comme nous l’avons déjà dit, cette éventualité est peu probable, car voilà le film est terminé et personne n’a rien dit. Ce film ne s’appelle pas « LA POSSIBILITE QUE NAISSE LE DIALOGUE » il s’appelle : « AVERTISSEMENT » un film libre de droits reproductible et réalisable à nouveau par quiconque dans toutes les langues possibles sans obligation de nommer qui que ce soit avec pourtant le seul impératif d’en assurer soi même la projection afin de pouvoir l’interrompre ... si besoin est. |
voila.
j'encourage quiconque à s'approprier ce texte, le modifier éventuellement, le traduire, le mettre en scène de la manière qu'il jugera la plus appropriée pour engendrer l'effet escompté.