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SUR L'HERMETISME
ou Le mythe ne perd pas de sang

L'une des conditions garante de notre intégrité réside dans la dissimulation et le refus disputer la course à la valorisation symbolique.
Rester cachés nous protège de la tentation du compliment, de l'arme sournoise consistant à nous indiquer que nous avons une valeur sur le marché de la contestation et/ou de l'art.

Nous décrétons pour nous et le monde n'avoir aucune valeur.

Hors marché, nous n'en sommes pas moins exposés à la menace de l'arrogance, ainsi il convient de mettre en place des stratégies de défense qui puissent anticiper les futures manoeuvres d'absorption de la sphère esthétique, économique, politique globalisante et nous assurer la quiétude le plus longtemps possible.

C'est à cet effet que devra être développé un outil hermétique efficace excluant de nos réflexions et de notre lutte la grande armée des marchands de symboles.

Cet outil constitue la base d'une crypto-sémantique complexe dont les clés d'interprétation sont flottantes et ne peuvent en aucun cas fonctionner à deux reprises de la même manière.

Les méthodes d'ouverture au sens de notre existence sont autodestructrices.

Notre communauté et notre cohérence se fondent autour du dialogue qu'engendre la recherche de ces vérités périssables afin que des mots immobiles ne puissent jamais gouverner notre mouvement.

Afin qu'aucun principe figé ne puisse prendre racine en nous.

La seconde raison qui impose l'utilisation d'un appareil hermético-médiatique réside dans notre souci primordial de ne pas intégrer la frise historique globale et de demeurer tout à fait maîtres de nos biographies et du témoignage de nos actes. Le brouillage des repères identificateurs permettant aux observateurs a posteriori du cheminement de notre pensée de mettre en évidence des conclusions est donc un impératif vital pour que le secret soit notre principal allié et que le mythe atemporel s'empare de nos attributs communicationnels et théoriques.

Car le mythe ne perd pas de sang.

D'autre part, il a été admis comme décisif que notre pensée et le dialogue articulé autour de celle-ci ne puissent pas faire l'objet d'une analyse globale (et donc réductrice car synthétique) et que l'intérêt de nos communications ne soit sensible qu'ici et maintenant, sans lien logique entre elles, sans autre cohérence que leur source commune.

Où la source est définie comme le bouillonnement protéiforme du mythe qui nous a engendré, nous-même créateurs des composantes mobiles et vaporeuses de ce mythe.

Où le mythe doit éviter à tout prix de devenir un conglomérat de symboles pauvres mais au contraire s'efforcer de demeurer l'essence floue de laquelle s'échappent signes et vecteurs dont la captation et l'enchevêtrement en supprime la possibilité d'utilisation.

Où le mythe est invulnérable.

L'hermétisme, soit l'imperméabilité de notre raison d'être, est la seule méthode fiable qui puisse nous permettre de nous fondre dans un ailleurs mythologique qui pourra nous permettre d'échapper aux dangers que représentent à nos yeux, dans un mouvement paradoxal d'attraction/répulsion, le présent.

Nous ne sommes, en conclusion, contemporains de personne et n'avons de fait aucun sens.

Le collectif R>VIDEO
le 13 mai 2003

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